1. Me voila donc revenu de mon escapade, voyage en solitaire dans quelques pays et villes chargés d’histoire, de vieilles pierres et d’un doux soleil d’automne.
Beaucoup de moments euphoriques à certains égards.
Beaucoup de moments pendant lesquels j’ai marché le sourire aux lèvres.
Parce qu’en décalage avec le mouvement. Et parce que j’ai vu des choses merveilleuses, rencontré de manière éphémère des gens très sympathiques.
J’en reviens donc avec beaucoup d’images et de souvenirs.
2. En second lieu, je me permettrai (« mais permets-toi, me souffle-t-on, tu es chez toi ! » ; c’est vrai…) de raconter une anecdote qui trouve, je pense, sa place ici.
Vers la fin du voyage, je me suis promené sur une colline verdoyante, au beau milieu d’une ville gigantesque et tentaculaire. Et pourtant, une colline absolument silencieuse, sans un bruit, sans un passant.
Il faisait parfaitement beau. Je voyais la mer à une dizaine de kilomètres au loin. J’étais bien.
Je me suis allongé sur un banc et j’ai longuement laissé mon esprit divaguer.
J’en suis arrivé, par je ne sais quel détour, à penser à ce que se serait d’être allongé ici ; sous la terre, sans vie, sur le versant ouest de cette colline, tourné vers la mer, à l’ombre des oliviers et des pins parasols. Je me suis même imaginé ma propre pierre tombale et ce qui y serait gravé.
Allongé sur mon banc, je me suis vaguement endormi, quelques minutes ou un peu plus.
Puis je me suis réveillé, un peu déboussolé, un peu vaseux.
Je me suis assis et, sans aucune raison, j’ai entrepris de faire l’inventaire du contenu de mon portefeuille. Peut-être était-ce la seule chose que j’avais à faire (j’avais un livre avec moi pourtant).
Rapidement, je suis tombé sur un petit papier plié, coincé entre différentes cartes. Un mot que mon ex-femme m’avait écrit, il y a longtemps, au tout début de notre relation, autant dire dans une autre vie. « Je t’aime Charlie » (naturellement, Charlie n’est pas mon prénom) en diverses langues.
Je l’ai parcouru plusieurs fois et me suis demandé ce qu’il faisait là, alors que j’avais purgé, depuis plusieurs mois déjà, mon portefeuille de toute référence à notre relation (photos, petits papiers et autres).
J’ai été tenté de remettre ce petit papier à sa place, témoin de quelque chose qui – après tout – avait un jour existé.
Mais je me suis levé, sur cette fabuleuse colline, face à la mer. J’ai plié ce papier et je l’ai déchiré en des tas de petits morceaux. Sans rage, ni colère, ni hargne.
Je les ai dispersés en l’air et, l’espace d’un instant, portés par le vent léger soufflant sur ma petite colline, ils sont restés en suspension. Comme des confettis. Ou des flocons de neige. Ou de minuscules, minces et fragiles fleurs blanches.
J’ai regardé quelques secondes. J’ai peut être esquissé un sourire. Puis je suis parti.
Rétrospectivement, j’aime à penser que cet instant a été celui où j’ai, posément et calmement, rituellement fermé une porte.