75.
En dépit des longueurs proverbiales de la justice, je suis aujourd’hui divorcé. Ce fut simple, rapide et efficace. S’agissant de la procédure, j’entends. Pour le reste, il n’en est rien, naturellement. Ce lieu en témoigne.
Je n’attendais rien de ce jour et il ne m’a rien apporté. Le temps de ma vie n’est pas le temps de la justice.
Je n’aurais pas imaginé une seconde tout cela. Il ne faut s’attendre à rien, parce que rien n’arrive comme on le pense. Ou il faut s’attendre à tout. Ce qui revient au même.
Elle était évidemment là, ma désormais officielle ex-épouse. Je ne lui ai rien dit, je ne lui ai pas parlé. Tout juste un hochement de tête pour un bonjour, et la même chose pour un au revoir.
Elle était belle, mais le dégoût et la déchirure brouillent bien des choses.
Elle portait sa bague de fiançailles au doigt. C’est curieux, vu sa récente frénésie destructrice.
Elle avait les yeux mouillés.
On sème et on récolte. Douleur pour chacun, mais c’est ainsi.
J’ignore ce qu’elle pense de tout cela. Elle m’a tellement dit tout et son contraire. Elle ne s’est pas excusée. N’a pas demandé pardon. Mais je n’aurais de toute façon pas accepté d’excuses ni pardonné quoique ce soit.
Le gâchis d’une vie, la débâcle inattendue, le bouleversement soudain. On tient quelque chose entre les mains. Puis on s’aperçoit que ce n’est qu’une ombre.
En conduisant, je me suis rendu compte que j’avais aussi les yeux humides. C’est peut être contagieux, il faudra que je me renseigne. A moins que ce ne soit la pluie. Mais il ne pleuvait pas.