65.
Elle m’a encore appelé. M’envoie des messages. Elle y invoque les prénoms des enfants que nous voulions avoir. Nos rituels quotidiens. M’affirme qu’elle veut continuer à me protéger et à m’aimer. M’envoie des photos de notre mariage. Supplie et rappelle le monde qui a été le notre.
Hélas, trois fois hélas.
Elle souffre, je souffre. Mais nos douleurs partagées ne nous réuniront pas.
Une image me vient à l’esprit : un meurtrier déplore la mort de sa victime. Mais elle ne ressuscitera pas.
Je sais que chacun est pétri de ses failles, de ses paradoxes. De contradictions et de vide. Je sais tout cela. Je suis moi-même tiraillé de toutes parts.
Ma tête va exploser. Je fais des rêves en tous sens. Je suis imprégné à chaque seconde de ces tourments.
Et pourtant, je ne basculerai pas.
Non que je pense avoir raison (peu m’importe d’avoir raison), mais parce que je sais maintenant que c’est le chemin que je dois prendre.
Je pense à ce mur que j’ai affronté pendant des mois. A cette froide indifférence.
A elle avec lui. A la manipulation, au mensonge.
J’ai été aveuglé par une lumière noire.
Et ces phrases prononcées. Ces regards vides. Ce bouleversement. La terre s’est ouverte et tout s’en est allé.
Notre monde a été brisé, il est en miettes. Et je ne le reconstruirai pas, parce que je ne peux tout simplement pas.
Ca me fait tellement mal, parce que tout pourrait être si simple. Un « oui » de ma part, et notre vie continuerait.
Et pourtant, ce n’est pas la voie que je choisis. Peut-être est-ce une gigantesque erreur. Mais je ne le crois pas.
Tout cela me replonge dans des eaux sombres dont je tentais d’émerger très lentement. J’espère ne pas m’y noyer.