31.
Je tourne en rond, ce n’est pas une nouveauté. Pas moyen de s’extraire de cette mélasse. Je suppose que c’est naturel. C’est le contraire qui eut été étonnant.
Je sais que mon humeur peut changer du tout au tout. Mais à l’instant présent, ma décision me paraît totalement justifiée.
En réalité, plus les jours passent, et plus la solution de la séparation et du divorce me paraît évidente.
J’ai de nombreuses rechutes. Mais je ne peux pas aujourd’hui imaginer un retour en arrière.
J’ai eu la faiblesse de relire des fragments de mails que je lui avais récemment adressés. Des messages aussi. Et de me remémorer certaines de ses paroles.
« Je ne te trompe pas ». « Je tiens toujours à toi ». « Je te jure que je ne te trompe pas ».
Une semaine peut être avant le jour fatal, j’avais lancé un ultimatum. J’ignorais qu’elle me trompait. J’avais des doutes, des inquiétudes, mais cela me paraissait inimaginable (j’ai déjà du le dire cent fois). « Soit les choses redeviennent normales, soit c’est fini. Immédiatement ».
Pendant quelques jours, elle a paru un tout petit peu plus proche. « Je tiens à toi m’a-t-elle répété, je veux que nous continuions ensemble ».
Le lendemain, elle partait pour la journée. Retrouvait son amant et couchait avec lui.
Après m’avoir embrassé furtivement le matin même. M’avoir ébouriffé les cheveux et suivi notre rituel d’au revoir.
Penser à cela m’étouffe.
J’ai réuni de nombreux indices, des fragments.
Pendant des mois, je sais maintenant qu’elle allait le rejoindre. Ils se côtoient quotidiennement de toute façon.
Ce ne fut pas un instant d’égarement, une tentation irrépressible d’un soir.
Ce fut répété, organisé, permanent, continu.
Manipulation, double jeu et mensonges.
Six mois après notre mariage.
Pendant ce temps, je lui offrais des cadeaux, petits ou grands. Pour la surprendre. « Tu es un amour » m’a-t-elle dit. Certainement moins que l’homme qu’elle retrouvait.
Le soir fatal, quand l’aveu fut fait, je lui ai demandé avec une colère et une haine innommables. « Combien de fois m’as-tu trompé ». Réponse qui poignarde profondément. « Mais je n’en sais rien, moi ».
Elle n’était pas perdue. Tout a été fait avec conscience et connaissance de cause.
Elle a au moins eu la cohérence de refuser de me toucher, de m’embrasser, pendant quatre mois.
Il suffit que je ressente une faiblesse, un remord, la moindre envie de pardon pour que je me force à penser à ça. J’écris cela ici pour me relire. Pour garder trace.
Il suffit que je me force à la suivre en pensée. Prendre les transports, un plan imprimé et bien caché dans son sac. Rejoindre son amant sur le quai de la gare. Puis aller chez lui. Et ce qui s’en suit.
Il suffit que j’y pense. A qu’elle le touche. A qu’il la touche.
Il me suffit de ça pour rendre un peu plus irrévocable à chaque fois ma décision.